Réforme wallonne des droits d’enregistrement (1er janvier 2025)
Le taux réduit de 3 % pour l’habitation propre et unique : opportunités, conditions et vigilance pour les notaires
Introduction
Depuis le 1er janvier 2025, la Région wallonne applique un taux réduit unique de 3 % sur les droits d’enregistrement lors de l’acquisition d’une habitation propre et unique.
Le cadre juridique repose sur le décret du 5 décembre 2024 (MB 13 décembre 2024) et sur la circulaire 2025/C/42 du 5 juillet 2025. Cette réforme :
- remplace la mosaïque de régimes fiscaux (abattement première habitation, taux réduit pour habitation modeste, majoration RC familles nombreuses) par un mécanisme unique ;
- élargit le champ d’application (habitations existantes, en construction, terrains à bâtir, affectations partielles) ;
- renforce les obligations des acquéreurs (résidence principale, mentions obligatoires, sanctions en cas de non-respect).
1. Le nouveau régime wallon : principes et conditions
Principe général
- Taux ordinaire : 12,5 %
- Taux réduit : 3 % pour une habitation propre et unique
- Champ d’application large : immeubles existants, constructions sur plan et terrains à bâtir.
- Application sur le prix total, dès qu’il existe une affectation, même partielle, à l’habitation.
Conditions essentielles
- Acquisition en pleine propriété (exception : cession d’indivision reconstituant la pleine propriété).
- Acquéreurs exclusivement personnes physiques (les sociétés sont exclues).
-
Engagement d’établir la résidence principale dans le délai légal :
- 3 ans (habitation existante),
- 5 ans (construction ou terrain à bâtir).
- Engagement de maintien de la résidence pendant 3 ans ininterrompus.
- Absence de possession d’un autre immeuble obstructif en pleine propriété (sauf engagement de cession dans les 3 ans, avec date certaine).
- Mentions obligatoires à l’acte : demande expresse du taux réduit, engagements, désignation de l’immeuble obstructif éventuel.
Fin des anciens avantages fiscaux
- Suppression de l’abattement première habitation (art. 46bis C. enr.).
- Suppression des taux réduits pour habitations modestes (6 % ou 5 %).
- Suppression de la majoration RC familles nombreuses (petite propriété rurale).
2. Exemples pratiques
Exemple 1 – immeuble mixte (habitation + commerce)
- Prix : 400 000 € (250 000 € habitation, 150 000 € rez commercial).
- Avant 2025 : ventilation → 6 % sur habitation (si modeste) + 12,5 % sur commerce.
- Depuis 2025 : 3 % sur 400 000 € = 12 000 € → gain substantiel et simplification.
Exemple 2 – dépendances d’un logement
Un couple acquiert une maison en Région wallonne avec, dans le même acte, une parcelle voisine aménagée en jardin et une remise située au fond de la propriété.
Ces dépendances, considérées comme des accessoires normaux du logement principal (avec lien matériel et juridique), bénéficient du taux réduit de 3 % sur l’ensemble du prix.
Exemple 3 – immeuble obstructif cédé
Paul achète une maison 350 000 € alors qu’il possède déjà une maison (200 000 €).
Il s’engage dans l’acte à céder son ancienne maison dans les 3 ans.
- Application immédiate du 3 % sur 350 000 € = 10 500 €.
- Si non-respect : régularisation à 12,5 % + intérêts (7 %/an).
3. Points de vigilance pour les notaires
Mentions obligatoires à l’acte
- Demande expresse d’application de l’article 44bis C. enr.
- Déclaration d’absence d’immeuble obstructif ou engagement de cession avec description.
- Engagement d’établissement de la résidence principale (3 ou 5 ans).
- Engagement de maintien (3 ans).
Oubli = 12,5 %.
Une restitution limitée (sous 2 ans) reste possible si les mentions ont été oubliées mais régularisées.
Occupation effective
- Présomption par inscription au registre de la population.
- Administration peut contester en cas de résidence fictive ou absence d’occupation réelle (indices : absence de consommation énergétique).
Sanctions individualisées
- Seul l’acquéreur défaillant supporte la régularisation.
- Exemple : 2 acquéreurs, 1 ne respecte pas son engagement → droits complémentaires dus uniquement sur sa part.
- Exonérations possibles en cas de force majeure (expropriation, insalubrité, décès) ou raisons impérieuses (mutation professionnelle, entrée en maison de repos, recomposition familiale).
4. Outils pratiques
✅ Checklist pour l’acte
- Demande expresse du taux réduit (art. 44bis C. enr.)
- Engagement d’établissement de la résidence principale (3/5 ans)
- Engagement de maintien pendant 3 ans
- Déclaration d’absence d’immeuble obstructif ou engagement de cession
- Identification précise de l’immeuble obstructif (si applicable)
- Vérification des cas particuliers (indivision, dépendances, mixité habitation/professionnel)
⚠️ Points de vigilance récurrents
- Immeuble déclaré inhabitable → reste éligible si transformé en habitation principale.
- Acquisition mixte (habitation + commerce) → 3 % sur tout.
- Achat simultané de deux logements → choix obligatoire d’un seul comme résidence principale.
- Pas de restitution si l’engagement de cession n’a pas été inséré à l’acte.
5. Regard comparatif interrégional et européen
| Région / Pays | Taux réduit habitation propre | Conditions principales | Particularités |
|---|---|---|---|
| Wallonie (2025) | 3 % | Habitation propre et unique, résidence principale, cession éventuelle de l’immeuble obstructif | Suppression abattement & taux réduits |
| Flandre (2025) | 2 % | Habitation unique, résidence principale | 1 % pour monuments protégés rénovés dans les 5 ans |
| Bruxelles-Capitale | 12,5 % (taux ordinaire) avec abattement de 200 000 € (plafond 600 000 €) | Résidence principale dans les 2 ans | Pas de taux réduit, système d’abattement |
| France | ~5,81 % | Variable selon départements | Pas de régime unifié comparable |
| Luxembourg | 7 % (droits + transcription) avec crédit d’impôt logement (20 000 €/personne) | Résidence principale | Réduction via crédit (Bëllegen Akt) |
| Pays-Bas | 2 % (résidence principale) | Personnes physiques, résidence effective | Exonération totale pour <35 ans (1ère acquisition, <400 000 €) |
Conclusion
La réforme wallonne de 2025 constitue un tournant majeur :
- Elle uniformise le régime en instaurant un taux unique de 3 %, simple et lisible.
- Elle rapproche la Wallonie des autres Régions (2 % en Flandre, abattement à Bruxelles).
- Elle élargit l’application à de nombreux cas (immeubles mixtes, dépendances, terrains).
- Elle renforce le rôle du notaire, garant du respect des conditions et de la sécurité de l’acte.
Pour les praticiens, deux priorités :
- Assurer la correcte insertion des mentions obligatoires à l’acte.
- Anticiper les risques de redressement en cas de non-respect (résidence, délais, cession).
En pratique, la vigilance quotidienne sur ces points fera la différence entre une opération fiscalement sécurisée et un redressement coûteux.